"Bon alors, tu veux
mettre quel tee-shirt, ça fait trois fois que tu changes d'avis. Une
voix lasse, où une colère naissante le dispute à une résignation
fatiguée.
- Maieuh ! Je t'ai dit que si mon jean rouge n'est pas propre, je ne peux pas porter le tee-shirt Hello kittie avec le bleu, ça va faire nulleuh !" La mère ramasse les épaves d'essayages pour les ranger dans l'armoire. Elle pourrait passer une heure à exiger qu'ils soient rangés , mais la Fille doit partir dans dix minutes pour le collège. Ca remettrait à ce soir, entre les devoir, le couvert, les dents à brosser, le linge sale à mettre au sale... Elle le range, donc.
- "Tu t'es coiffé les dents et brossé les cheveux ?" Une petit blague entre elles qui durent depuis deux lustres maintenant. Non, la Fille ne s'est pas lavé les dents et répond donc tout naturellement : " Ben-oui-tu-m'énerve-maman-tu-me-prends-pour-un-bébé-ou-quoi ?
- Va te laver les dents, et tu ne sortiras que coiffée convenablement !
- Y'en a maaarrre, on ne me croit jamais dans cette maison !"Ben voyons !
Comme chaque jour la
Fille va partir en retard pour le collège, en accusant la Mère
d'être responsable de son retard à cause de ses fichus
brossages de dents. En réalité, ce n'est pas vraiment le terme
qu'elle emploie, mais la mère ne cède pas là-dessus, et elle la
reprend jour après jour, gros- après gros mot.
Papa, Lui, il lui fiche
la paix avec ça, elle n'arrive pas en retard à cause de lui, et
puis avec lui, il fait toujours beau et les poules pondent des oeufs
en or.
Un baiser, un "Bonne
journée", et ce soir la Mère retrouvera sa fille qui déversera
sur elle toutes les frustrations de la journée. Le prof
irrespectueux qui s'énerve "pour un rien", le méchant,
les copines qui ont oooosé lui mentir alors qu'elle est parfaitement
sincère (sa mère et le coup des dents, ça ne compte pas), en plus
en sport elle a failli mourir de l'orteil gauche et personne ne l'a
secourue, et les garçons de la classe sont tous des crétins, sauf
Norbert qui est un double crétin ...
La Mère encaisse, jour
après jour, année après année, et livre des combats quotidiens :
les dents,
les cheveux,
range tes affaires,
on ne parle pas comme ça,
tu as pensé à ton
cahier ?
Et la Fille réplique :
Y'en a marre !
J'ai faim,
Je peux inviter mes
copines ?
Il n'y a plus de
chocolat.
J'ai quand même le droit
de regarder un film !
Tu as pensé à mon
cahier ?
La mère s'épuise, se
pose des questions, culpabilise de tout et son contraire. Et la nuit,
pour se rassurer, elle entre dans la chambre de la Fille et dépose
sur la tempête de cheveux qui recouvre son visage d'enfant un baiser
égoïste, un baiser d'un maman qui veut retenir l'enfance. Elle qui
passe ses journées à faire grandir la Fille, à cette heure, cette
Pénélope désire du fond de sa chair défaire le travail de la
journée.
Et en réponse à ce
baiser contre nature, dans la mauvaise foi des enfants qui font
croire à leur parents qu'ils dorment, la Fille offre à la Mère un
cadeau sans prix
Un sourire.
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