Nouvelles

jeudi 27 décembre 2018

Gilets jaunes : la face cachée


On ne parle que de gilets jaunes, de désinformation, de manipulation. Qu'en est-il réelllement ? Nul ne le sait. Chacun voit le mouvement, ou plutôt l'immobilisation à l'aune de son propre vécu. D'aucuns voit une liberté individuelle qui se cherche (je suis de ceux-là), d'autres une injustice à rétablir de toute urgence, certains y voient une traîtrise de leurs dirigeants, d'autres encore une innacceptable violence.
Je crois que personne n'a tort, et que ces regards croisés nous montre une réalité plus profonde, dans la subtilité, qui s'exprime par les actions ou réactions visibles de tous.
Est-il vraiment possible d'accéder à ce qui fait de nous ce que nous sommes, ce que nous agissons, ce que nous pensons ? Cela se résumerait très simplement en le fait d'accéder à nos profondeurs inconscientes. En chacun d'entre nous réside une colère froide ou brûlante face à l'injustice, la violence, la privation de liberté, la trahison, et sommes toues, l'humiliation de la dignité individuelle.
Que le regard soit sociologique, politique, journalistique, nous arrivons tous à la perception de cette inéluctable limite de l'Etre qui ne tolère plus d'être bafoué.
Ici, toutes les exaspirations (mot de mon invention, merci de vos applaudissements) trouvent une direction commune.
Jusque ici, rien de bien nouveau. Se posent tout-de-même deux questions :
  • Comment en sommes-nous arrivés là, à accepter l'inacceptable. Et que l'on ne vienne pas me parler de la faute de tel ou tel politique, les politiques se sont contentés de s'engouffrer dans des béances prééxistantes d'acceptation. Qu'est-ce qui, à titre individuel, nous a fait glisser vers un système qui ne contente, au final, personne et pas même les plus nantis qui, dans leur terrreur de manquer, ne cesse d'accroître compulsivement un patrimoine qu'ils ne pourront jamais dépenser en une vie sans jamais, jamais trouver satisfaction.
  • Que mettre en place maintenant. Il est fort aisé de savoir ce que l'on ne veut plus, mais que voulons-nous vraiment ? Je vous défie, cher lecteur, de répondre par l'affirmative et non par la négation de ce que l'on ne veut plus. Le citoyen, lors de la Révolution (tour complet de la planète sur elle-même), a réussi l'exploit de créer un bain de sang pour reproduire le même système. Peut-être manquait-il, au fond de lui, la place pour autre chose qu'une peur de manquer (de nourriture, de sécurité, d'argent), et n'a donc pas pu créer un autre système basé sur une collaboration plus juste, où l'on croit en le partage, en soi, en l'autre.
Et maintenant, y a-t-il dans notre coeur la place pour autre chose que la peur que le voisin est plus que nous, que ses enfants ait plus dans son assiette que nous ? Y a-t-il la place pour avoir confiance ?

mercredi 26 décembre 2018

Quand on est seul



Phrases stupides :

  1. Mais tu as tout pour être heureux. Mais qu'est-ce qui vous a fait croire, d'une manière ou d'une autre, que ce que l'on possède capitalise du bonheur ? Mais si en possédant tu DOIS être heureux.
  2. Toi on sait que tu es forte, tu vas se relever : non mais vous rigolez ? Vous ne voyez donc pas que je suis à terre, que le coup m'a occis le coeur et que je me vide de mon sang ? Si je me relève, c'est parce que personne n'est là pour me relever.
  3. Toi tu n'es pas fait pour une vie tranquille. Ah mais détrompez-vous, je serais absolument heureux d'avoir une vie tranquille, mais je vis autre chose.
  4. Tu as de la chance, tu n'as pas à te taper une belle-mère pour Noël ! Oh oui, ma chance est une vraie chance, et vous savez quoi, je limite même mon risque d'accident cardio-vasculaire, avec mes réveillons à coup de jambon-coquillettes.
  5. Toi tu es libre, tu fais ce que tu veux. Absolument tout ce que je veux, à part évidemment partir en vacances, parce que seul, c'est pas très rigolo, faire des projets, construire une maison, fonder une famille, vivre des soirées romantiques, partager des moments de tendresse devant la télé (un chien, ça compte ou pas ?) être touché ou caressé (ah si, en payant pour un massage), cuisiner des poulets rôtis ; mais rendons justice : je peux utiliser toute la surface de mon lit.
  6. Tu es trop exigent, c'est pour ça que tu es seul : oh, mais vous avez raison, c'est pour ça ! Merci de cette précieuse information, désormais, je sortirai avec la première personne qui me regardera, et tant pis si je ne me sens pas bien avec cette personne, je ferai un effort.
  7. Prends sur toi ! Non, je ne vais pas m'amputer d'une partie de mes maigres réserves pour faire comme si tout allait bien !

Phrase qui font du bien :

  1. Oulah, tu as un gros chagrin, viens dans mes bras.
  2. Tu es seul pour Noël ? Viens donc avec nous, on a une place libre.
  3. Ca doit te peser le célibat. Ne t'inquiète donc pas, il y a quelqu'un pour toi en ce bas-monde, tu finiras bien par le rencontrer.
  4. Tu sais quoi, j'échangerais bien un petit bout de ta liberté contre un petit bout de vie familiale trépidante.
  5. Prends soin de toi, on n'a qu'une vie.

Phrase qui font rêver :

  1. Laisse-moi faire, je m'en occupe.
  2. Je suis avec toi, tu peux compter sur moi.
  3. Je suis heureux que tu sois là.


dimanche 12 août 2018

médisation

"Vous iiiiiinspireeeez, et vous soouuuufflez, c'est biennn".
La voix sirupeuse de la médito-thérapeute m'englue les oreilles d'une pseudo-douceur écoeurante. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ?
Ca te fera du bien, qu'on m'a dit, tu repars mieux après, qu'on m'a dit. Tel le soldat romain d'Astérix, qui en pleine castagne celtique soupire un "Engagez-vous, qu'ils disaient, rengagez-ous, qu'ils diasient, vous verrez du pays", alors qu'il plane à quelques dizaines de pieds au-dessus de la forêt des Carnutes avant un inéluctable chute. Moi je ne plane pas du tout. M'étouffant à moitié avec un diaphragme bloqué depuis ma première communion ou ma dernière engueulade, j'essaie tant bien que mal de singer les non-mouvements méditatifs en position d'un lotus qui ressemble à une grenouille éméchée.
Vous savez à quoi ça me fait penser, ces méditations ? A Noël, à cette obligation de bonheur alors qu'on a tous envie de partager une carafe de cigüe. A ces réunions de famille recelant plus de pièges émotionnels qu'un champ de mines en Irak. Mais il faut être heureux, tralala.
Et qu'est-ce que ça peut m'agacer ces bruits de gongs tibétains, ces odeurs d'encens, on dirait les cloches et la cérémonie d'un enterrement. C'est nul.
Qu'est-ce que je fiche là ? A cette enterrement qui ressemble à celui de l'oncle Arthur. Personne ne parle, ça sent l'encens, et l'ambiance feutrée cache des monstres. J'aurais jamais dû venir, ces méditations, c'est pas pour moi. Tiens maintenant que j'y pense, il est mort à Noël, ce crétin, quel manque de savoir vivre !
"Vous iiiiiinspirez avec votre ventre, vous eeeexpirez avec votre ventre". Si j'osais, je m'enfuirais, elle et sa voix écoeurante sirupeuse, tiens, à la grenadine, comme celle qu'on m'a servie à l'enterrement. En me disant que j'étais grand maintenant, et que je n'avais pas à pleurer comme une fillette. Quand j'y pense, c'était vraiment dégueulasse, j'avait sept ans et je l'adorais, cet oncle.
Il me manque.
"Vous iiiiiinspirez avec vos pieds, vous eeeeexpirez avec vos pieds." Elle me fait marrer, j'y arrive pas, moi, à reeeespirer : j'ai des hoquets, je suffoque, et mon visage est inondé. C'est quoi encore ce délire.
"Vous vous allongez maintenant sur le dos, et prenez quelques minutes pour saaaavourer votre ressenti".
Ben voilà, beaucoup mieux sur le dos. Finalement c'est la position qui m'allait pas.
"Je vous remercie et vous dis à la semaine prochaine".

Ben ça, ça risque pas, parce que je prépare une recette de dinde farcie. J'ai envie de passer le plus beau Noël de ma vie !

samedi 11 août 2018

Pigeon vole

Moi, j'avais rien demandé.
Je vivais tranquillement dans ma médiocrité ambiante, en me disant que je rêverais d'avoir un chéri, du boulot, des colombes, ou une salle de cinéma privative, si possible avec visite des divers réalisateurs des diverses oeuvres de fiction qui alimentent ma matière grise et mes après-midis.
Ben au final, j'ai eu un pigeon.
"Zouzou est lààààà !" hurle la chair de ma chair Ma rejetonne d'adolescente se précipite tel une ado sur un pot de nutella vers son amie fraichement arrivée pour les vacances. Le fruit de mon sein et sa copine de toujours se transforment instantanément en pintades, pendant que je deviens ipso facto un légume, qui perçois déjà son avenir en tant que purée. Ca va être long, me dis-je en mon Fort-Boyard intérieur. Et ça ne rate pas, tel une rencontre soudaine entre du nitrate et de la glycérine, les deux volatiles explosent en un feu d'artifice d'échanges divers, de projets, de bruits inexistants jusqu'alors et de mouvements improbables.
N'écoutant que mon maternel courage, je file en douce sous un prétexte fallacieux et laisse se débrouiller ces deux joyeuses dans leur propre univers impitoyable créé par elles seules à leurs seules fins.
Une demi-heure plus tard, mon téléphone, sale traître, relaie un magma de propos filiaux dans lesquels je perçois le mot "pigeon blessé". En mère poule, je réagis : "T'as dit quoi ?"Je sens déjà se profiler la transformation de mon humble appartement en ferme pédagogique, "Bon, j'arrive". Je regagne ce qui fut autrefois mon logement et suis accueillie par des piaillements surexcités. L'oiseau, lui, est silencieux, prostré. Le pauvre enfant (à plumes) dort tant qu'il peut, pendant que les enfants à cheveux longs se lancent dans de la spéléoplacard pour désincarcérer la cage de feu notre cochon d'Inde. Elle sierra à merveille à notre protégé à l'aile déplumée.
Les heures et les jours passent en attendant la rémission de notre pigeonneau. Le vétérinaire nous a annoncé un pigeon immature, mais, maintenant que j'y pense, parlait-il de son développement physique ou de son incapacité à voler de ses propres ailes et de se trouver un appart' et un job ? Peu importe. Trois jours après son arrivée, Zouzou repart, après avoir conclu un pacte avec ma fille : il reviendrait donc à cette dernière de prendre soin de leur bébé. Ma digne héritière, le torse bombé et la responsabilisation plein pot, salue son départ.
Je passerai sur les divers "tu devrais lui donner plus/moins d'eau/de graines/de câlins/de friandises/d'attention". (Compose ta phrase toi-même Cher Volusien, c'est le moment créatif de la narration et le diy est très tendance). Après avoir embrassé mon tout petit poussin de quinze ans qui m'a confié la bestiole la larme à l'oeil, et que j'ai regagné mon canapé sous le regard de l'oiseau qui allait très certainement séjourner un paquet de semaines chez moi, je me suis demandé, une fraction de secondes, lequel de nous deux était le pigeon.