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dimanche 12 août 2018

médisation

"Vous iiiiiinspireeeez, et vous soouuuufflez, c'est biennn".
La voix sirupeuse de la médito-thérapeute m'englue les oreilles d'une pseudo-douceur écoeurante. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ?
Ca te fera du bien, qu'on m'a dit, tu repars mieux après, qu'on m'a dit. Tel le soldat romain d'Astérix, qui en pleine castagne celtique soupire un "Engagez-vous, qu'ils disaient, rengagez-ous, qu'ils diasient, vous verrez du pays", alors qu'il plane à quelques dizaines de pieds au-dessus de la forêt des Carnutes avant un inéluctable chute. Moi je ne plane pas du tout. M'étouffant à moitié avec un diaphragme bloqué depuis ma première communion ou ma dernière engueulade, j'essaie tant bien que mal de singer les non-mouvements méditatifs en position d'un lotus qui ressemble à une grenouille éméchée.
Vous savez à quoi ça me fait penser, ces méditations ? A Noël, à cette obligation de bonheur alors qu'on a tous envie de partager une carafe de cigüe. A ces réunions de famille recelant plus de pièges émotionnels qu'un champ de mines en Irak. Mais il faut être heureux, tralala.
Et qu'est-ce que ça peut m'agacer ces bruits de gongs tibétains, ces odeurs d'encens, on dirait les cloches et la cérémonie d'un enterrement. C'est nul.
Qu'est-ce que je fiche là ? A cette enterrement qui ressemble à celui de l'oncle Arthur. Personne ne parle, ça sent l'encens, et l'ambiance feutrée cache des monstres. J'aurais jamais dû venir, ces méditations, c'est pas pour moi. Tiens maintenant que j'y pense, il est mort à Noël, ce crétin, quel manque de savoir vivre !
"Vous iiiiiinspirez avec votre ventre, vous eeeexpirez avec votre ventre". Si j'osais, je m'enfuirais, elle et sa voix écoeurante sirupeuse, tiens, à la grenadine, comme celle qu'on m'a servie à l'enterrement. En me disant que j'étais grand maintenant, et que je n'avais pas à pleurer comme une fillette. Quand j'y pense, c'était vraiment dégueulasse, j'avait sept ans et je l'adorais, cet oncle.
Il me manque.
"Vous iiiiiinspirez avec vos pieds, vous eeeeexpirez avec vos pieds." Elle me fait marrer, j'y arrive pas, moi, à reeeespirer : j'ai des hoquets, je suffoque, et mon visage est inondé. C'est quoi encore ce délire.
"Vous vous allongez maintenant sur le dos, et prenez quelques minutes pour saaaavourer votre ressenti".
Ben voilà, beaucoup mieux sur le dos. Finalement c'est la position qui m'allait pas.
"Je vous remercie et vous dis à la semaine prochaine".

Ben ça, ça risque pas, parce que je prépare une recette de dinde farcie. J'ai envie de passer le plus beau Noël de ma vie !

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