"Vous
iiiiiinspireeeez, et vous soouuuufflez, c'est biennn".
La voix sirupeuse de la
médito-thérapeute m'englue les oreilles d'une pseudo-douceur
écoeurante. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ?
Ca te fera du bien, qu'on
m'a dit, tu repars mieux après, qu'on m'a dit. Tel le soldat romain
d'Astérix, qui en pleine castagne celtique soupire un "Engagez-vous,
qu'ils disaient, rengagez-ous, qu'ils diasient, vous verrez du pays",
alors qu'il plane à quelques dizaines de pieds au-dessus de la forêt
des Carnutes avant un inéluctable chute. Moi je ne plane pas du
tout. M'étouffant à moitié avec un diaphragme bloqué depuis ma
première communion ou ma dernière engueulade, j'essaie tant bien
que mal de singer les non-mouvements méditatifs en position d'un
lotus qui ressemble à une grenouille éméchée.
Vous savez à quoi ça me
fait penser, ces méditations ? A Noël, à cette obligation de
bonheur alors qu'on a tous envie de partager une carafe de cigüe. A
ces réunions de famille recelant plus de pièges émotionnels qu'un
champ de mines en Irak. Mais il faut être heureux, tralala.
Et qu'est-ce que ça peut
m'agacer ces bruits de gongs tibétains, ces odeurs d'encens, on
dirait les cloches et la cérémonie d'un enterrement. C'est nul.
Qu'est-ce que je fiche là
? A cette enterrement qui ressemble à celui de l'oncle Arthur.
Personne ne parle, ça sent l'encens, et l'ambiance feutrée cache
des monstres. J'aurais jamais dû venir, ces méditations, c'est pas
pour moi. Tiens maintenant que j'y pense, il est mort à Noël, ce
crétin, quel manque de savoir vivre !
"Vous iiiiiinspirez
avec votre ventre, vous eeeexpirez avec votre ventre". Si
j'osais, je m'enfuirais, elle et sa voix écoeurante sirupeuse,
tiens, à la grenadine, comme celle qu'on m'a servie à
l'enterrement. En me disant que j'étais grand maintenant, et que je
n'avais pas à pleurer comme une fillette. Quand j'y pense, c'était
vraiment dégueulasse, j'avait sept ans et je l'adorais, cet oncle.
Il me manque.
"Vous iiiiiinspirez
avec vos pieds, vous eeeeexpirez avec vos pieds." Elle me fait
marrer, j'y arrive pas, moi, à reeeespirer : j'ai des hoquets, je
suffoque, et mon visage est inondé. C'est quoi encore ce délire.
"Vous vous allongez
maintenant sur le dos, et prenez quelques minutes pour saaaavourer
votre ressenti".
Ben voilà, beaucoup
mieux sur le dos. Finalement c'est la position qui m'allait pas.
"Je vous remercie et
vous dis à la semaine prochaine".
Ben ça, ça risque pas,
parce que je prépare une recette de dinde farcie. J'ai envie de
passer le plus beau Noël de ma vie !
