Nouvelles

lundi 23 février 2015

Changement climatique

La chaleur était intense, on ne pouvait échapper à la moiteur de l'air. Cette sensation pénible d'être emprisonné dans son corps, alors que notre instinct nous pousserait à nous transformer en autre chose, un serpent, un scorpion, juste pour expérimenter un organisme adapté à ces conditions. Kevin sortit de la yourte et huma cet air qui n'en était quasiment plus. Les anciens nous avaient prévenus qu'ils avaient mis en route un cataclysme. Les plus jeunes nous ont dit que c'était réversible. Et nous, la génération décisionnelle, celle qui pouvait tout infléchir, nous avons laissé faire. Par facilité, par dépit, parce que...

Il avait conscience, comme tous, que les excuses n'étaient que des prétextes, que maintenant, en ce 6 janvier, il n'avait pas eu besoin de four pour cuite la galette des rois. D'une part quelques morceaux de papier aluminium suffisaient maintenant à assurer la cuisson solaire de tout aliment, mais en plus le blé avait disparu. Ça fait maintenant vingt ans que les grains ne poussaient plus dans la terre. Trop de mutation, il a dégénéré. Mais la galette n'était pas le plus important. il ne célébrait plus les fêtes religieuses.

Kevin était enragé contre l'autorité, contre les autorités qui avaient obligé, interdit, légiféré et tenté de juguler cet appel des plus jeunes, cet avertissement des plus vieux. Inconscience ou Alzheimer, ils avaient désinformé les plus crédules. Et maintenant, chacun tentait de s'adapter le mieux possible. Lui rêvait d'être ingénieur dans l'industrie automobile, pour travailler sur les véhicules hybrides. Mais son rêve avait tourné court lors de son premier emploi, quand on lui avait expliqué le principe d'obsolescence. Il avit donné son opinion, il avait été renvoyé avec des menaces à peine voilées. L'objectif n'était pas de sauver la planète, mais de vendre. Il était jeune, il ne savait pas que parfois il convient de se taire.

36°C aujourd'hui, ce ne sera pas le bon moment pour faire des fromages, les chevreaux prendront tout le lait. Les chèvres se moquaient bien du principe d'obsolescence. Il les amène boire une heure par jour, à la source qui n'est pas encore tarie, toute la communauté s'était organisée pour se partager l'eau. Il rêvait d'une belle maison avec jardin et balançoire, il partageait une yourte avec trois familles. Il voulait montrer le Monde à ses enfants, il n'avait pas eu le courage d'en mettre au monde.

Alors depuis cinquante-deux ans il regarde passer sa vie. De temps en temps, des gens de la ville viennent s'installer avec eux, pour ne pas mourir, et ensemble ils contemplent ce monde qui s'écroule, ce monde qui renaît.


jeudi 19 février 2015

Le bâtisseur

Il était une fois un sylvain courageux. Vous connaissez les sylvains, ces créatures qui bâtissent les forêts, les entretiennent, et évacuent les végétaux qui abusent de leur place. Ces petits lutins passent toute leur vie à garder un semblant d'ordre dans nos forêts.

L'un deux était particulièrement actif : toujours prompt à faire son travail, on lui donnait les plans de demeures, et lui les exécutait sans la moindre hésitation, sans le moindre doute. Les plans lui étaient donnés, et il agissait. Il avait ainsi logé des milliers d'écureuils, des chênes, des oiseaux, des châtaigniers, des étangs, car tout ceci demande à être implanté dans le bon cadre, au bon endroit.

Mais comment faisait-il ? Et bien il utilisait la branche magique qu'il portait sur son dos, dans un carqois. Grâce à cette branche, il plaçait et déplaçait les éléments dont il avait besoin pour créer la demeure.

Un beau jour, alors qu'il avait reçu des plans comme à son habitude, il commença à ressentir de violentes douleurs dans le dos. Il souffrait, souffrait … mais il commença par taire son problème et se concentra davantage sur sa tâche. Et bien sûr il arriva rapidement ce qui était évident : cette douleur insupportable l'empêcha complètement de travailler.

Alors il alla voir les arbres guérisseurs qui lui répondirent : On ne peut rien pour toi, toi seul a la clef. Il alla posa la question à son animal fétiche, une chouette sage et posée qui lui répondit : On ne peut rien pour toi, toi seul a la clef. Il demanda à la Terre de lui donner des éclaircissements, il s'entendit répondre : On ne peut rien pour toi, toi seul a la clef.

Notre pauvre petit sylvain était déçu, en colère, et surtout désespéré. Il n'y avait donc aucun moyen d'aller mieux, et la douleur se faisait de plus en plus vive. Alors il décida d'aller tâter lui-même cette douleur dans le dos, quitte à redoubler encore son intensité. Il n'en était plus à ça près. Il se contorsionna, se tordit dans tous les sens, puis utilisa tout simplement un miroir pour observer son dos.

Que ne vit pas notre brave ami : un carquois trois fois plus gros supportait une branche magique triplement plus puissante. Et bien je comprends pour quoi j'avais mal, en effet, le cadeau est de taille, mais pourquoi donc en ai-je hérité ? La question resta sans réponse jusqu'à ce que, soulagé du poids de l'incompréhension, notre héros se remît au travail. C''est en observant les plans qu'il venait de recevoir qu'il compris le sens de cet étrange cadeau. En haut des plans, au lieu de voir écrit « demeure de ... » il y vit : « Temple de... ».


Notre sylvain avait eu une promotion.

mercredi 18 février 2015

Je suis une reine

    Chers et bien aimés Volusiens, Chères et bien-aimées Volusiennes,

    Aujourd'hui je suis une reine. Je me suis levée comme un reine, j'ai adopté une statique de reine, le dos bien droit, le port altier, la démarche glissante. Ma couronne était fermement posée sur ma tête et j'ai croisé tous les passants dans la rue avec le sentiment de leur devoir Amour, Respect et Protection.

    Le plus difficile a été de convaincre mon cochon d'Inde, Béni soit-il, de me préparer une royale collation, celle-ci étant servie par ma royale lapine, Bénie soit-elle. Bon, en toute honnêteté, ça ne les a pas fait beaucoup rigoler quand je je les ai tranformés en laquais et soubrette, mais bon, je suis une Reine magicienne, et il faut bien s'en accorder. D'autant que les veinards en ont profité pour me boulotter tous les légumes de la semaine, équipés qu'ils étaient pour ouvrir le frigo (une fois n'est pas coutûme).

    J'ai ensuite royalement fait les courses, mes Bien Chers, vous auriez vu avec quelle digne prestance j'ai acheté du papier toilette et des poires, de quoi intimider Dark Vador en personne.

    Ensuite, en tant que reine, j'ai expédié les affaires du Royaume : j'ai donc décidé de deux ou trois petites choses quelque peu intéressantes, entre autres à partir d'aujourd'hui je bannis les découverts bancaires, je déclare autorisée la consommation de jus de brocolis à toute heure du jour et de la nuit, et je flanque hors du royaume tout ce qui peut s'apparenter de près ou de loin à quelqu'un ou quelque chose qui empêche le Royaume précité de s'étendre à l'iiiinnnnfiniiii ! (à prononcer de manière grandiloquente).

    Un édit a été donc prononcé faisant la chasse aux monstres de papiers (cf texte précédent), ils sont partis penauds, et bon nombre d'entre eux se sont reconvertis en créativité délirante. En cela je les accueille.

    Un autre a banni les personnages armés d'objets coupants, ceux qui amputent une partie du royaume et en empêche la cohésion, je parle bien sûr des culpabilités. Le bûcher a été rétabli pour ces sales monstres pleins de confusion. Pour ceux qui recherchent le pardon, et bien grâcions-les, mes Gens, grâcions-les.

    Les colères sont également menacées, exceptions faites de celles qui permettent de maintenir un peu de chaleur dans les foyers, et donc qui servent le bien du royaume.
Quand aux peurs, elles ont d'une part l'obligation de se montrer en plein jour - ah ah ! Elles ne sont pas habituées, les bougresses - et d'autre part, la nécessité de disparaître ou de se transformer en courage.

Bon, et bien il est tard, et mes yeux royaux se ferment. J'ai bien travaillé.
Demain, je m'attaque au conflit israelo-palestinien et à la Corée du Nord. Y en a-t-il pour m'aider ?
Bonne nuit mes Bons,


Ma Majesté Caroline, reine de Ma Vie

mardi 17 février 2015

Choix

S'il est des choix difficiles dans la vie, on peut dire que celui de la profession est des plus importants. Dis-moi, mon petit, que veux-tu faire plus tard. Le petit Gibus en puissance nous répondra qu'il veut être pompier, président du monde, ou marchand de brouette pour jouer à la brouette toute la journée. La petite Martine des albums voudra être coiffeuse, esthéticienne, ou encore star.

En fait, tous les choix des enfants se tournent vers une puissance infinie. Je crois qu'au dernier recensement dans ma ville, on notais plus de 2500 futurs tyrans mondiaux et bien 23000 pompiers, gendarmes et sauveurs de chiens maltraités. Chez les garçons prédominent l'envie de secourir ou de régler les conflits. Après tout, en Tyrannie, il n'y a pas de conflit, surtout quand on a 5 ans.

Les filles tiennent par-dessus tout à embellir les gens, ou la vie : le principe d'une star est tout de même de pourvoir du bonheur, les esthéticiennes et les coiffeuses s'occupent des autres et les font rayonner.

Tous pensent à jouer : acteur, essayeur de jouets, ou vendeur de brouettes. 

Alors je voudrais juste qu'on m'explique pourquoi c'est le bazard absolu sur Terre, alors que si l'on écoute tous les citoyens de moins de huit ans, tout le monde a droit à la beauté, la sérénité, la joie et la sécurité.


Soyons lucide, si on laissait les enfants conquérir le monde, il irait beaucoup mieux !

lundi 9 février 2015

500 !

Et bien oui, mes très Chers Amis Volusiens, oui, votre humble servante à la plume fébrile (et au clavier tiptipeur) vous l'annonce : Aujourd'hui, à 20h36, nous célébrons la cinq-centième visite de ce blog à caractère inutile, plaisant, défoulatoire, et préliminaire à mon prix Nobel de littérature.

Je me prosterne donc devant vous, mes bien-aimés lecteurs, encore que je me pose une question, permettez-moi de vous la soumettre :

Qui êtes-vous ? Je sais que vous savez lire, que vous comprenez le français, et que vous avez suffisamment de temps à perdre pour le passer à vous gargariser d'une sauce d'humour aigre douce aux relents parfois franchement tragiques. Non mais vous n'allez pas me dire que vous vous êtes poilés en lisant Mission accomplie, quand même, où alors consultez, mes Amis, consultez !

Je sais que ma famille prend ce blog pour une anecdote insignifiante dans ma vie, au même titre que ma dernière tarte aux pommes ou un nouveau tee-shirt. Notez que ma fille de onze ans s'est franchement marrée en lisant Galette, il faut dire aussi que j'ai reproduit la réalité toute nue, comme Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions.

Je sais que mes potes l'on vu en moyenne une fois chacun, ont dit : "Ouais c'est cool ton histoire de whisky" (notez que mon premier texte parlait effectivement d'alcool).

Vous êtes donc  a priori des personnes que je ne connais pas, et qui me font l'insigne Honneur de m'accorder leur cerveau pendant quelques minutes.

Alors aujourd'hui, chers Volusiens, Chères Volusiennes, je vous remercie de me lire, et ainsi de me donner l'opportunité de faire ma grosse crâneuse auprès de famille et amis indifférents à ma plume à qui je pourrai jeter mes cartes de visite à la figure :

Caroline
écrivaine

Faudra quand même qu'un jour vous me disiez ce que vous en pensez.

Je vous embrasse généreusement, bande de lecteurs !

PS à l'attention du chef d'édition de Gallimard : je suis disponible pour signer chez vous si vous insistez vraiment.


Le monstre de papier

S'il est des bestiaires des plus intéressants, à ma (ridiculement petite) connaissance, je n'en connaît guère qui traite d'un monstre tueur sévissant sous nos latitudes.
Chers Volusiens, Chères Volusiennes, vous avez tous eu affaire à ce monstre un jour ou l'autre, ou plutôt une nuit ou l'autre.

Vous savez, ce monstre qui se dilate lorsque l'on ne l'affronte pas... Vous l'avez tous affrontés d'ailleurs, et ce dès votre enfance. Souvenez vous de vos dimanches soirs en tension, le ventre serré "Zut, j'ai pas fait ma rédac pour demain." C'était lui.
Puis plus tard "Est-ce que j'ai bien renvoyé les papiers pour passer le permis ?", encore lui.

Et durant d'interminables décennies, "Est-ce que j'ai tous les papiers pour les impôts, as-tu payé la facture, je ne retrouve pas le formulaire à rendre pour demain, pour hier, et maintenant c'est trop tard, et je n'y arrive pas, et j'arrête d'ouvrir mon courrier, et je ne vais plus à la boîte aux lettre... "

Ca vous dit quelque chose ? C'est toujours le même monstre,

le monstre de papier

Il est particulier ce monstre, car il fait peur de son absence, et il rassure de sa présence. C'est au moment où l'on s'arme de courage et de patience (beaucoup de patience) qu'il perd de sa force. Bon, j'ai raté la date de l'inscription mais j'ai réussi à convaincre la secrétaire, oups, la facture est payée en retard... mais payée, on ne nous coupera pas l'eau... Le formulaire pour les impôts qui me manque, je peux le fournir plus tard.
Les impôts sont à ce sujet incroyablement compréhensifs, quand on leur explique la situation. A croire qu'ils maîtrisent sur le bout des doigts les conséquences du monstre de papier, à en voir les victimes terrorisées tous les jours de l'année.

Au moment où votre humble servante vous écrit, elle est aux prises avec ce monstre. Et bien sûr elle ne l'affronte pas, elle se contente avec une familière lâcheté de le décrire. Et les arguments ne manquent pas :

- On est dimanche, je ne vais rien faire un dimanche, et puis les administrations sont fermées. Un point pour votre Dévouée.
  • Tu rigoles ? Les courriers papier et internet, tu peux très bien les faire ce soir. Un point pour ma conscience.
  • Oui mais (ah, les délices du oui mais) du coup j'en profite pour écrire, ça m'inspire. Deux à un, et toc.
  • Prends-moi pas pour une andouille, tu as les chocottes et c'est tout ! Match nul, très très nul. Et puis tu vas voir cette nuit si ça t'a aidé d'écrire. Trois à deux.

    Jeu, set et match.


dimanche 8 février 2015

Mission accomplie

Ma tendre beauté,
S'il est des moments où je suis tout impatient de te retrouver, celui-ci est particulièrement porteur de désir et d'espoir. Je t'imagine dans ta petite nuisette bleue, au saut du lit, les yeux embrumés de sommeil et le coeur tout doux, prêt à donner tout ton amour à chaque être qui traversera ta journée.
Je te vois flotter comme sur un nuage généreux vers la cuisine pour préparer cette savoureuse tasse de café, que tu sais si bien agrémenter de toute la patience et toute ton attention. Ah, ce café...

Je te crois volontiers capable de demander à tes plantes si la nuit a été bonne, si elles ont besoin d'eau, ou de musique, mon cher être d'amour pur.
Moi je continue ma mission, il comptent beaucoup sur moi, tu sais, pour extraire les derniers parasites. Hier le Général en Chef en personne, je dis bien en personne, est venu me féliciter et m'a proposé un poste que je crois bien lourd de responsabilités, il faut nettoyer une autre zone, plus large et plus conséquente, il s'agit, selon ses dires, de la mission de ma carrière. Il m'a laissé entrevoir une éventuelle retraite anticipée, et un retour sur Terre qui nous permettrait enfin, mon amour, de concrétiser notre union et d'élever ensemble l'enfant qui grandit en toi.
Le mois dernier a été finalisée la dernière expérimentation sur le protocole de déparasitage X24. Tu peux être fière de moi, j'en suis le principal acteur. Le feu vert a été donné pour sa mise en service. Je ne peux t'en dire plus, ma Bien-Aimée, le reste est classé top-secret.

Je t'aime comme un fou, et fais de mon mieux pour que la mission soit un succès et permette enfin nos retrouvailles.
Hugo
Mon Général,
Toutes les conditions sont réunies pour le déparasitage, la zone est sous contrôle, notre déparasiteur est prêt. Comme le prévoit le protocole, la solution mêlée à l'eau va mettre tous les Terriens en état de somnolence, et les plantes mutées dégageront ensuite pendant six jours des gaz toxiques.

Si nos prévisions sont bonnes, les Terriens devraient être totalement erradiqués en moins de quatre jours. La planète Terre sera alors disponible pour la colonisation.

Colonnel  djklrqws