Nouvelles

samedi 19 juillet 2025

Bien fait pour ta tête

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Cette tentative de Baudelaire pour vaincre non pas sa douleur, mais l'emprise terrible qu'elle tenait sur lui est belle, quoique parfaitement inefficace. On ne peut négocier avec un parasite, surtout si ce dernier vous dévore l'esprit, le cœur, les tripes, et, cerise sur le gâteau de boue, la vision du monde.

Elle est là, au mieux logée au creux du plexus solaire, se contenant de bloquer la respiration et la digestion, au pire dans des pensées obsédantes qui me font penser des insultes envers moi dont je n'exprimerais pas le dixième à mon pire ennemi. Cet état de fait propulse donc cette souffrance en ennemi privé numéro un. 

Non contente de détruire avec une efficacité redoutable ma capacité à penser, digérer et respirer, elle tronçonne méticuleusement ma confiance en moi, en l'avenir, en ma capacité à faire face à la vie. Elle efface de mon programme interne toute solution d'y échapper. Je déroule la liste de mes contacts, espérant pouvoir lancer une bouteille à la mer, et parler à un congénère bienveillant. La liste est déroulée, et la douleur me laisse croire qu'il n'y aura aucun secours de ce côté-là. Je vais sortir, marcher, courir, peu importe, bouger, mais la compagne noire ma paralyse les jambes. 

Comme une pierre dans mon estomac, elle me provoque des nausées. Est-il possible de parlementer avec la personne dont le lien habité de mille ombre a suscité le réveil du monstre ? Que nenni. Qu'est-il de plus douloureux que de ne pouvoir dire à la personne aimée qu'on l'aime, alors même qu'elle est persuadée du contraire.

Ah ! Enfin quelques larmes ! La pierre devient lave glacée, et quelques petites tonnes disparaissent de mon plexus. plus que deux ou trois milliers de litre pour retrouver un diaphragme un tant soit peu fonctionnel. Le soulagement ne dure cependant pas. La douleur exige son tribut. Toujours plus.

C'est un vers solitaire, chaque anneau perdu laisse place à un autre, et un autre, et un autre. Quel est l'aune de la souffrance ? Plus on aime, plus on a mal dan les situations de perte de lien. Et moins on s'aime, plus on a mal.

On ne peut s'empêcher de penser que l'inventeur de cette mécanique est un pervers brillantissime. Or c'est le lot de la nature humaine. Que donc penser de la nature humaine ? Tiens, ma douleur arrive à me faire croire que l'humain est naturellement pervers : Je t'ai vue, vilaine bête, et je reste, en mon âme et conscience sur l'idée que l'Homme est un être merveilleux. Et toc ! J'ai marqué un point, ce qui fait ... 1 à 2 millions.

Le match n'est pas terminé, vilaine bête, même si tu peux me faire croire le contraire, quelque chose en moi est vivant, vibrant, les pires tortures intérieures du monde ne me feront jamais renoncer plus de quelques minutes, ou heures, à la beauté de la Vie, vilaine bête ; j'ai des armes, moi aussi, les larmes libératrices, la foi en la vie, qui se montre au tréfond du désespoir, au-delà de ma capacité à l'invoquer, les amis qui appellent, alors même que j'ai renoncé à les solliciter.

Et toc, vilaine bête, toit-toi tranquille, ou attaque-moi, au final, la Vie gagne en moi,

et bien fait pour ta tête !



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire