Nouvelles

mardi 27 janvier 2015

Crack boursier

Les deux associés étaient assis en salle de réunion, l'air grave. Ils contemplaient les dernières statistiques de la bourse, recherchaient entre les chiffres des indicateurs d'espoir qu'ils ne trouvaient plus. 
"Voilà, cent quarante employés à renvoyer, c'est fini mon Jojo.
- C'est fini, il n'y a plus rien à tirer de cette boîte, elle est bel et bien morte, mon Doudou."
Ils se levèrent, éteignirent le vidéoprojecteur qui affichait leur détresse en quatre par trois, et quittèrent la pièce. 
-Je ne comprends pas, le plan financier était en béton, on a demandé aux plus grands spécialistes, il aurait fallu un armageddon pour abattre le bilan de l'année dernière. Que s'est-il passé ? On avait investi dans les meilleurs services : les services aux personnes âgées, on a multiplié chaque année notre chiffre d'affaires par quatre, c'était un eldorado.
- Et oui mon gars, et réinvestir dans les solutions anti-tabac était une idée géniale, tu te souviens ? On l'avait eue à Magic pizza en novembre 2011.
- Les vacances des familles monoparentales aussi, ça avait eu du bénéfice, on a eu un succès fou en moins de trois mois !
- Alors mon Jojo, comment est-ce que ça a pu capoter comme ça ? Nos ingénieurs, nos conseillers financiers, nos actionnaires, tout le monde suivait, la banque rigolait ...
- Je ne comprends pas mon Doudou, je ne comprends pas."
Il faut dire que ce crack boursier était totalement improbable, les meilleurs économistes du monde avaient été frappés de stupeur devant la rapidité et l'ampleur du phénomène. Nos deux amis rentrèrent chez eux abattus, devant annoncer la terrible nouvelle à leurs familles respectives.
Chacun chez soi, ils annoncèrent la catastrophe à leurs épouses bien-aimées.
Chacune de son côté sourit, rit franchement, et déclara, chacune face à son pot-au-feu :
"Ah, quand même, il est doué ce petit hacker que nous avons engagé. Je lui ai demandé de balancer une saloperie sur votre jeu pour que cette comédie informatique cesse et que vous vous mettiez à trouver un VRAI travail, dans la VRAIE vie. Il serait peut-être temps de vous y mettre, au bout de quatre ans de chômage, tu ne crois pas ? Mange tant que c'est chaud.

jeudi 15 janvier 2015

Le démon de midi


Bon, la crise de la quarantaine, les hommes en mal de chair fraîche, voilà ce que nous savons du mal-être de toute une population arrivée à la moitié de sa vie. Si la moitié de votre vie s'est barré avec la secrétaire : crise de la quarantaine, et il reviendra fissa dans les rangs dès qu'il aura repris ses esprits parce que l'autre est forcément une belle garce qui n'en veut qu'à ses sous et même qu'il a eu un coup de folie passagère et c'est pas grave, on les comprend ces pauvres hommes tout fragiles et tout, même qu'on leur propose de faire leur linge, à ces hommes qui vivent seuls un moment tellement on les prend pour des incapables.

Alors là je dis STOP. Je condamne au silence l'expression de démon de midi, tout d'abord parce que les démons n'aiment pas trop les coups de soleil, ça leur rappelle la maison, et ils sont là pour prendre des vacances, que diable (que je salue au passage.) et ensuite parce que précisément ce n'est pas un appel démoniaque mais divin : voyez un peu cette personne, homme ou femme, qui a construit une vie bien sage, avec métier, famille enfants, maison à rembourser pour trente ans, poisson rouge, cochon d'Inde et Belle-Maman deux fois par mois. Ah mais attention, cette vie est formidable, le couple va au cinéma, invite des amis, et joue à la belote. Puis progressivement s'installe un inconfort intérieur, "pourtant j'ai tout", se diront ces trentenaires ou quadragénaires. L'inconfort devient mal-être, puis angoisse, et enfin, si c'est impeccablement étouffé par le cerveau qui réfléchit, une bonne grosse dépression de derrière les fagots.
La crise de milieu de vie touche les hommes ET les femmes. Mais ça se voit moins pour des raisons sociologiques que j'ai un instant pensé à inventer, mais au final, non.

Décryptage de Dominique, prénom volontairement androgyne. Prenons Dominique au stade de l'angoisse profonde, et avant la dépression. Sa moitié lui répète qu'aimer quelqu'un comme ça c'est franchement pas rigolo, et que ça devient super lourd de cohabiter, et sort la phrase qui tue : "Prend sur toi". Domnique va confier à un proche : "j'ai envie de tout plaquer, j'ai vraiment l'impression que ma vie est une erreur de casting. Je ne sais plus ce que je fous là." Le proche en question peut soit être passé par là et être revenu dans le droit chemin "prend sur toi et sois raisonnable", ce qui est comparable à un assassinat psychique, (le proche ne s'en est pas tiré, faudrait pas que Dominique s'en sorte, non plus). Ou alors il n'est pas passé par là, et dit doctement "je sais ce que c'est, c'est dur, tu verras, tu reviendras à la r/maison, consulte". 

Désemparé, Dominique va chercher et se chercher certains vont se jeter dasn les bras d'une personne qui leur donnera ce regard qu'elle ne peuvent se porter elles-mêmes, d'où les infidélités.

La souffrance de notre ami(e) devient insoutenable, la tension monte en lui, et il/elle se découvre un beau matin une passion pour l'ébénisterie. Dominique revient à la vie, la famille vit au rythme sonore et financier de la machine à bois et des heures passées à fignoler un bout de bois. Le conjoint s'agace, mais au final, sa moitié va mieux. On supporte.

Cependant il faut se rendre à l'évidence, à chaque fois que Dominique se rend au cabinet comptable qui l'emploie, ses tripes se serrent, son cerveau s'obscurcit, son moral dégringole comme le cours de la bourse un jeudi noir.

A table, Dominque énonce sa volonté de démissionner pour se consacrer à sa passion. Jugement, délibération, exécution. Hors de question parce que le crédit, les enfants, le regard des voisins, et en plus t'es plus comme avant (ce qui évidement dans ce cas-là est une critique). Famille un, désirs profonds zéro.

C'est là que la dépression s'installe.

Choix 1 :Plusieurs arrêts maladie plus tard, Dominique revient à la raison, il finit par abandonner sa passade, la machine à bois (ou la baby-sitter), son regard s'éteint. Il est mort.
Choix 2 :Plusieurs arrêts maladie plus tard, Dominique pose sa volonté, et dira "C'est pour pas crever". Il/elle vit sa passion. Il/elle VIT.


La crise de milieu de vie est un appel à vivre ce qu'il y a de plus beau en nous, ne l'étouffons pas, ni chez nous, ni chez ceux que nous aimons.

vendredi 9 janvier 2015

Les rêves d'Eva

Face à sa porte, Eva hésita. Elle avait encore la possibilité de fuir, d'attraper un métro au hasard, un train, un avion. Elle pouvait, avec sa carte bleue, son rouge à lèvre et son courage, remettre à zéro le déroulement de sa vie. Elle pouvait trouver un poste, n'importe lequel. Elle avait toujours eu du travail comme elle le voulait, elle savait faire basculer la décision d'embauche en son sens.

Elle se voyait jeter son téléphone portable dans la boite aux lettres de l'appartement avec les clefs, laisser la porte de l'immeuble chic claquer bruyament derrière son dos, enfermant en lui tant d'espoirs déçus, l'attente d'un amour qui, elle le savait, ne viendrait plus au bout de vingt ans de mariage, la reconnaissance de son existence, elle qui passait comme une ombre dans la vie de son mari, de ses enfants.

Elle imaginait si bien son départ, sans retour possible, une nouvelle Eva qui se construit sur ses propres bases, qui n'attend plus rien des autres ; elle ne serait plus mère, ni femme de ménage, ni infirmière, ni épouse qui prend soin de son mari, elle ne serait plus réduite à ce cri "maman" qui était devenu une exigence avec le temps.

Au fur et à mesure des années, ses rèves s'étaient atténués. Elle qui révait d'élan passionnés, elle n'avait eu que la tiedeur conjugale d'un mariage arrangé. Ils vivaient en bonne intelligence, mais elle, elle l'aimait à la folie. Elle avait ensuite espéré dormir avec lui, puis être embrassée, et enfin, elle révait simplement d'un regard amical. Voilà où en étaient ses rêves : un regard amical de son mari.

Face à la porte, figée, elle balançait entre entre ces deux décisions, ou plutôt entre cette décision et ce non-choix qui avait déroulé la moitié de sa vie dans une boite de quelques dizaines de mètres cubes. Elle imagina, pour le plaisir d'y croire, la surprise, l'affolement, puis la détresse de son mari, elle voulut le croire passionné d'un amour perdu, il verrait bien, alors, la perle, la merveille, la Vénus qui avait été sa femme !

Non, c'est encore attendre quelque chose de lui.
Alors que ses entrailles hurlaient à la fuite, son cerveau torturé refusait désormais de lui montrer les possibilités d'une vie nouvelle. Entre les deux le dialogue était impossible, il lui fallait départager les deux voix !

Puis elle se décida. Elle entra dans la boîte de quelques dizaines de mètres cubes, elle posa ses clefs sur la tablette de l'entrée et elle dit à son mari et à ses enfants qu'elle les aimait.


Elle quitta la maison sans un mot de plus, et sans ses clefs. Des deux voix qui hurlaient dans son corps, elle avait choisi celle du milieu, celle du coeur.

dimanche 4 janvier 2015

Fêtes

C'est bientôt noël, ce sont les fêtes.

Il est fort cocasse de constater que ces deux simples phrases peuvent revêtir diverses colorations selon la personne qui les exprime

A. Oh moi, tu sais, j'ai pas ma fille pour Noël, alors je vais pleurer un bon coup, et ça ira mieux dès l'Epiphanie. Non, ce n'est pas dramatique, un sale moment à passer, et on n'en parle plus. Pour le premier de l'an ? Ah là, j'ai ma fille, alors je ne sais pas du tout ce que je vais faire, mais en tout cas, ce sera avec elle. La famille, tu sais, on n'est pas très famille, dans ma famille, alors les repas festifs, c'est souvent à trois en comptant le cochon d'Inde. Note que je ne me refuse rien. L'année dernière, je me suis même fait un magret entier pour moi toute seule. Chaque année je perds un ou deux kilos pour les fêtes, ben le stress. Enfin, c'est l'histoire d'une grosse semaine quoi ! J'attends surtout les soldes de janvier pour m'amuser un peu !

B. Nous par contre, on va voir la famille de Jérôme pour le 24 au soir, et la mienne pour le 25 à midi. Ca va être le marathon bouffe ! Du coup, on fait un peu attention avant les fêtes parce que c'est foie gras et alcool à tous les repas, je te raconte pas le foie. Cette année, ma belle-mère a décidé de faire un chapon aux truffes. Alors les enfants sont couverts de cadeaux, c'est bien simple, l'année dernière tout n'est pas rentré dans la voiture. On sera au minimum 14 à table, chez nous, on se réunis tous sans manquer au rendez-vous.

C. Moi les fêtes, m'en fous complètement.

A. Bon, et bien ça ne s'est pas trop mal passé, vu des copines pour Noël, et ma fille m'a littéralement arrosée de textos, ça fait du bien. Et pour le premier de l'an, j'étais avec des copines, on s'est marrées comme des baleines, et on a bouffé à s'en faire péter la sous-ventrière. Au final, ça allait.

B. Oh ne m'en parle pas, ma mère m'a encore dit que j'avais grossi, mes belles-soeurs, quelles garces, elle n'ont pas arrêté de me critiquer. Ensuite c'est l'oncle Gégé qui m'a fait comprendre qu'il était hors de question que je, récupère le terrain que je convoitais, et on a encore remis sur le tapis le partage des meubles de Mémé, et surtout l'armoire que j'ai emportée. Tous les ans c'est pareil. En plus Jérôme était complètement pété, et Lucas a vomi tout son repas. Quel horreur ce réveillon !

C. Moi les fêtes, m'en fous complètement.
Fête :

Solennité religieuse ou cérémonie commémorative.
  • Jour consacré à la mémoire d'un saint considéré comme le patron d'un pays, d'un groupe, d'une profession ou dont une personne a reçu le nom comme prénom.
  • Réjouissances publiques destinées à commémorer périodiquement un fait mémorable, un événement, un héros, etc. : Fête nationale du 14-Juillet.
  • Réjouissances, festin, bal offerts par quelqu'un en l'honneur de quelque chose : Organiser une fête pour un anniversaire.
  • Partie de plaisir : Une nuit de fête.
  • Toute cause de vif plaisir : Ce spectacle est une fête pour l'esprit.


Galette

Chers enseignants, chères enseignantes,

Je me présente, Caroline, la maman de Maylis, l'adorable petite puce de sixième 2.

Aujourd'hui je vous ai fait une galette des rois. N'allez à aucun moment imaginer que ce soit de la pure charité de ma part, loin de là, ceci est un savant calcul qui arrange la seule personne qui ait vraiment de l'importance à mes yeux : moi !

Voyez-vous, j'étais tranquillement en train d'effectuer un comparatif des mérites du thé parfumé accompagné de couronne des rois et du bon blockbuster à effets spéciaux aussi impressionnants que l'indigence scénaristique (en fait il s'agissait de tortues qui protégeaient une journaliste capable de taire le plus grand scoop de sa vie, on nage en plein délire !) quand soudain, là, sans prévenir, abruptement, d'un seul coup, ma Petite Chérie me sort pour la trente-septième fois : "Maman, je voudrais faire un gâteau pour la salle des profs", euh, pardon, "des professeurs". Je lui réponds, telle une mère responsable, qu'elle ferait mieux de se taire parce que là il y a Rafaello qui va sauter du camion pour exploser la jeep des méchants, et que c'est autrement plus important, que diable !

L'enfant répond que quand-même, et elle ose sortir l'Arme, entendez par là un regard à mi-chemin entre le chaton en corbeille du calendrier des pompiers et le regard perdu et désespéré que l'on peut retrouver dans les descriptions de Zola et le téléthon. Je tente de lui expliquer qu'il faut faire les choses dans l'ordre et aller au bout de ses idées et que donc tant que le rat Ninja n'a pas collé une pile à l'horrible Schreider, elle peut aller se faire cuire une galette.

Fin du film, donc du prétexte. Faut dire que c'était le troisième de la journée, mais vous en avez beaucoup, vous, des activités un dimanche après-midi pluvieux de janvier ?

Je me suis ensuite longuement interrogée sur la nécessité d'encrasser la cuisine. Réfléchissons : qu'aiment les professeurs ? Le café et les photocopieuses qui fonctionnent bien. Allons donc chercher une friandise qui peut remplir les deux fonctions ; il faut que ce soit plat pour rappeler la photocop' et savoureux comme la tasse de petit noir qu'on va se chercher après s'être mangé les quatrième B, parce que "ils m'ont vidée ces petits crapauds, vivement les vacances, la retraite, la sieste et vendredi soir, et si possible, tout de suite, et vite un café, ça va me calmer !", le tout accompagné d'une main tremblotante au calme susnommé quelque peu aléatoire et d'un cartable de trente-cinq kilos d'espoir pédagogique.
La galette réjouira les professeurs de ma Doudouille adorée. Par ailleurs, une galette a tendance à se reproduire, selon la bonne vieille coutûme qui veut que "celui qui fait son crâneur en ayant la fève sera puni du châtiment d'une autre galette", ainsi, le plaisir se prolonge. Ils seront donc plus heureux et aptes à transmettre un savoir nécessaire au développement intellectuel de la Chair de ma chair, de fait ma Pupuce apprendra mieux tant il est vrai que prof content élèves apprendants, elle pourra ensuite faire des hautes études, devenir prix Nobel du monde et m'offrir une retraire dorée avec carte bleue illimitée et cuisine équipée.

L'affaire est faite, réalisons cette galette.
Ce n'est que le premier paquet de pâte feuilletée ouvert qu'elle me déclara avec un sourire à désarmer l'Irak "En fait, j'ai pas trop envie de t'aider", et fila, la monstrueuse cacahuète, jouer avec son lapin.


Il s'en fallut de peu que vous ne mangeassiez de la tourte au lapin.