Nouvelles

lundi 6 avril 2020

Rien que des mots

Les pouvoirs de la parole - Figaro psycho santé – - Le blog à palabres
Aujourd'hui il fait un temps à ne pas mettre un parapluie dehors. Un léger vent pousse doucement les gouttes d'eau vers la fenêtre et je contemple mon thé fumant avec une acuité peu ordinaire. Je n'avais jamais fait attention à cette couleur dorée si caractéristique. Les volutes blanchâtres qui  s'en dégagent forment une danse qui obéit à des lois invisibles dictées par les déplacements d'air. Il me vient une question : quel chemin amène un mouvement physique à déplacer l'air de mon thé, est-ce cela que l'on appelle l'effet papillon ? Peut-être que l'éternuement d'un chien en Alaska a provoqué un ensemble de phénomènes qui trouve pour achèvement cette forme si particulière, là, au-dessus de ma tasse.
Cette réflexion en amène une autre plus large : quel est mon effet sur le monde ? Si une action aussi automatique que bouger ou respirer peut aboutir à un effet visible, qu'en est-il des gestes anodins, mieux, des mots que je prononce, que j'écris ? Vont-ils eux aussi provoquer un mouvement ?
L'Histoire nous a prouvé à maintes reprise que c'est le cas depuis "I have a dream", jusqu'à "Imagine", en passant par "Veni, vidi, vici", certaines paroles ont eu des impacts mémorables, et ont influencé des peuples entiers.
Et mon petit propos à moi ? Mon petit "Bonjour Nadine, tu as l'air en forme aujourd'hui.", ou mon "Sortir avec toi, tu plaisantes ?". Auraient-ils des conséquences comparables ? Serait-ce un mouvement invisible qui produit un effet visible ?
Je suis un être humain normal, français, de classe moyenne, d'intelligence moyenne, de confiance en soi moyenne. Mais j'ai souvenir de ces phrases, simples et redoutablement impactantes, je me souviens à mes sept ans d'un "Que tu es maladroite" qui crée une tension dans mon ventre à chaque fois que je tente un travail un peu minutieux.
Je me souviens de ce surnom : "la poète de la classe", quand je faisais des rimes en [é] sur quelques lignes en primaire et qui aujourd'hui m'autorise à écrire.
Je me souviens des "je t'aime" qui m'ont inondée de joie, et de ceux qui m'ont fait me sentir un objet utilisable.
Je me souviens aussi des mots prononcés sans sagesse, que, pour mon plus grand malheur et celui de mon interlocuteur, ont créé une déchirure terrible. Des "tu devrais", des "tu es trop", des "moi par exemple", des "Tu n'es pas .." autant de coups de poignard. Cet adage a raison, les blessures des mots ne guérissent jamais.
Que deviennent ces impacts ? Ils se transmettent tous, Nadine a eu le sourire qu'elle a transmis à sa voisine dix minutes plus tard, celui qui "aurait dû", "était trop" ou "pas assez", s'est agacé sur ses enfants qui étaient trop remuants, et son conjoint pas assez tendre.
Les mots sont comme des caresses à celui qui les reçoit, ou comme des coups, et c'est un pouvoir extraordinaire qui nous est donné que de pouvoir les employer. Il semblerait même que ce soit la différence entre les animaux et nous. Mais quel défi, mes Amis, quel défi de porter une telle responsabilité. Alors épurons nos pensées, épurons nos propos, et peu à peu, répandons telle un battement d'aile de papillon, un peu d'Amour et de beauté à travers nos lèvres.

dimanche 5 avril 2020

Le rageux

Tout savoir sur l'ingrédient L'oeufLe rageux aime écrire, il exprime derrière son écran ce qu'il pense de ce qui est dit. Il a une nette opinion du bien et du mal, de ce qui est convenable de ce qui ne l'est pas. Le rageux est donc une personne très comme il faut. Un bien-pensant en qui l'on peut avoir confiance pour discerner le sens moral d'une publication.
Il n'est pas frontal, il ne lui viendrait pas à l'idée d'envoyer un message personnel à l'auteur de la publication fallacieuse. Il ne pourrait être lu par le plus grand nombre et c'est dommage, car son propos est intéressant. D'aucuns pourraient le croire veule, certes non, il clame haut et fort son point de vue.
Le rageux connait en général mal les tenants et les aboutissants de la discussion ou du sujet qu'il commente. Si c'était le cas, ce serait un opposant, qui serait apte à arguer contre la publication et ainsi enrichir les lecteurs d'un autre point de vue. Non, il ne sait pas grand chose, et possède ceci de rassurant que cela lui est largement suffisant pour émettre un propos fâcheux, offensant, voire carrément insultant.
Le rageux aime également s'en prendre à des publication qui demandent une aide, et par pure délicatesse, prend le temps de signifier à l'auteur à quel point son malheur lui est dû et sa solution est mauvaise (à savoir demander de l'aide). Ainsi l'auteur peut ne s'en prendre qu'à lui, s'enfermer dans sa chambre et réfléchir à tout cela pour une plus grande évolution.
Il ne supporte pas ce qui n'est pas d'un ordre militaire, et tout ceci nous rappelle une période heureuse où tout était parfaitement en ordre, et où les chefeux plonds étaient goupés drès gourts !
Certaines fois, je me demande si le rageux ne se sentirait pas un peu frustré de sa vie, très rangée, très ordonnée, ou pas du tout rangée comme il voudrait. Il essaie tout naturellement, dans sa grande bienveillance, d'éviter un tel écueil à son entourage non immédiat. 
Ou bien peut-être que sa vésicule produit un excès de bile, et que cette personne, ayant du mal à équilibrer son système, celle-ci trouve un exutoire derrière son écran. On ne saurait trop conseiller à notre ami de s'adonner à une pratique sportive intense. Et pour compléter le tout, nous l'invitons à s'alimenter suffisamment de protéines afin de nourrir ses muscles. On ne saurait trop l'inviter à choisir une alimentation bio, les oeufs proposent en cela le meilleur rapport qualité/prix. Il ne reste plus qu'à bien les faire cuire à sa convenance.

samedi 4 avril 2020

Isolement

SOLITUDE : Comment l'isolement social transforme le cerveau ...
Ah, c'est bien, tu as une terrasse, plus facile le confinement.
En effet, le confinement est plus facile quand on peut ressentir le soleil sur sa peau, qu'on ne manque ni de place, ni d'argent, ni de créativité, que l'on est en bonne santé et que les température sont modérés (imaginons avec des températures estivales ou polaires, nous ne sommes pas loin de l'enfer
mement.
Abordons ici le thème de la solitude. De nombreux foyers sont composés de personnes seules et j'en fais partie. Cette crise nous permet dévaluer d'autres éléments que ceux qui sont en couple ou en famille.
Nous avons tout d'abord vécu l'adaptation à cette nouvelle situation dans un calme tranquille. Ca n'allait pas beaucoup changer les choses pour nous, j'entends par là les solitaires : s'occuper seul, sortir pour deux ou trois bricoles, rentrer, manger et dormir seuls, nous savons faire. Ceux qui ne supportent pas la solitude se sont débrouillés pour choisir un confinement avec papa, maman, tonton Henri ou Mamie Juliette, ils ne sont plus des pièces isolées sur l'échiquier de la vie.
Nous avons tout d'abord continué tranquillement notre train-train, à peine bousculés par quelques restrictions en termes de durée et de kilomètres.
Nous avons appelés quelques proches, seuls ou en famille, un ou deux coups de fil pour renouer un lien distendu par un quotidien qui accélère le temps. Les jours passent puis une tension s'installe. On voudrait appeler plus, mas les autres ne rappellent jamais, on hésite et on laisse tomber : Je ne vais pas les ennuyer, ils sont en famille". On lit les publications des réseaux sociaux : les parents qui craquent face à une constante présence des enfants, le conjoint qui agace. Ce n'est pas notre quotidien, c'est notre rêve. Les magasins sont vidés de farine. Pas important, on ne va pas faire cuire huit cent grammes de pain pour soi tout seul.
Ce confinement nous pose en contraste. Nous n'étouffons pas de l'enfermement, nous étouffons d'être exclus. Exclus de la vie de famille, du manque de contact humain. Allez papoter deux minutes avec un passant, et il panique. Une personne qui parle est un pestiféré en puissance.
En temps normal, le célibataire qui vit seul est déjà mis au ban. Oh ce n'est pas dit, ce n'est même pas suggéré, cet état de fait est dévoilé par des comportements subtils, les "je ne voulais pas te déranger", les mensonges aussi : "on ne sait jamais si tu es libre". ou encore le simple acte de ne tout simplement pas penser à nous lors de fêtes, repas, célébrations diverses. je parle pour moi, bien sûr, mais aussi pour tant d'autres, pas si loin de moi géographiquement ou dans le coeur.
A  ce stage du confinement, nous sommes comme des animaux attachés dehors à des piquets, nous ne manquons pas d'herbe à brouter, nous manquons de contacts avec nos congénères, à en avoir mal, dans le coeur et dans le corps.  Pas une seule seconde nos proches ne peuvent imaginer cette douleur, ils ne la connaissent pas, et c'est tant mieux pour eux. 
"Pour qui est-ce que je compte ?" se demande-t-on. Derrière, une autre pensée suit : "Je ne sers à rien, je ne suis rien". Le danger se présente là, l'abysse d'absurdité de notre vie. une pensée fausse, certes, mais qui pour la démentir ?
Amis solitaires, isolés, perdus dans le no man's land affectif, ce propos, je vous le dédie.

hésitation

Top 35 des canapés et sofas au design original et insolite | Topito
La journée commençait comme chaque jour par l'établissement de mon programme : je me demandais donc si j'allais commencer la journée par me colorer les ongles en rose indien ou éclaircir la couleur des joints de carrelage à grand coup de Saint-Marc au pin des Landes (voyez-vous, en tant que landaise, je promeus, et non pro-meuh, quoique blonde d'Aquitaine les pro-duits locaux, et non locos, ce qui signifie fous en Espagne, à moins d'une heure de chez moi), j'étais, disé-je, en train de réfléchir à l'efficacité de ma journée quand il m'arriva une chose extraordinaire.
Mon canapé me passa un savon. Non pas un savon ayant pour objectif d'éradiquer un coronavirus en temps de confinement, non non, ce genre de savon qui consiste en un nettoyage approfondi du cerveau, ou plutôt de son contenu aux bienfaits incertains.
"Ah non, ça ne va pas recommencer !" Hein ? Qui parle ?  Osez comprendre, mes Chers Volusiens, que vivant seule et ayant un monde imaginaire relativement bien clivé du monde réel, je n'avais a priori aucune raison valable de converser chez moi sans outil multimédia ni schizophrénie avérée.
"Ton histoire d'hésitation, qui te mène jusqu'à la fin de la journée, pour décider après le dîner que finalement, tu aurais aimé finir de tricoter le pull de ta fille, tu vas pas recommencer, parce que là, ce n'est plus vivable !". Quelque peu interloquée par ce propos autoritaire, je finis par viser mon canapé d'angle, et le vois m'observer de ses coussins à moitié avachis (il doit être simili blond d'Aquitaine, lui aussi).
-"C'est toi qui me parles, canapé ?
-Oui, et aujourd'hui, tu te débrouilles pour mener une journée constructive dès dix heures du matin. Décision- mise en action- réalisation-satisfaction."
Je le trouvai un peu gonflé, ce canapé à moitié dégonflé, il me sommait de prendre une décision, alors que lui-même n'avais jamais pu se décider à une identité de canapé ou de lit à sieste, de salle à manger ou de conférence, de blanc ou gris, de fixe ou mobilier. Je lui fis donc part de ma réflexion avec force argument et sagacité :
"Toi-même, hé, c'est celui qui dit qui est". Par un soupir audible depuis l"espace, il consentit cependant à m'expliquer les faits :
"Je n'en peux plus de te voir passer tes journées à les perdre, à hésiter, à tergiverser, tu bascules d'une idée à l'autre et au final, ta frustration n'a d'égal que ton désarroi, ton estime de toi est au plancher, et ça empire de jour en jour. décide dès le matin et tiens-toi à ton idée. Au moins aujourd'hui, non d'une table basse. 
Je réfléchis à ce que ce meuble m'avait asséné. I est toujours très pénible de s'entendre dire une vérité peu reluisante. Mais l'entendre d'une pièce de mobilier qui l'est encore moins, c'est un peu fort de café ! Donc je me préparai un thé, remède à tous les problèmes de l'univers ou peu s'en faut, et me concentrai sur la question.
Bon, je n'aime pas beaucoup me tromper dans mes décisions. Supposons que je décide de me tartiner les orteils de rose indien, et toc ! je me rends compte que j'aurais mieux fait de détartiner les joints. Il ne vaut donc mieux pas que je m'occupe de mes pieds. Mais si je nettoie les joints, et que je vois que ce n'était pas le bon moment, bing, je me retrouve à faire ce qu'il ne fallait pas.
Observatrice de mes pensées (faut dire qu'être observée par un canapé, ça vexe, si, ça vexe). Je prends lentement conscience que le choix dans cette situation n'a absolument aucune importance. il n'y a aucun enjeu. C'est intrigant, me dis-je donc en moi-même. Et telle Fantômette dans ma bibliothèque rose d'antan (j'ai des Lettres, chers Volusiens, j'ai des Lettres), je menai une enquête exhaustive :
Bon, deux choix aujourd'hui, et les eux me semblent bons et mauvais dans le même temps. Je crois que c'est par peur de me tromper. Et qu'est-ce qui se passe si je me trompe ? La tête me rassure aussitôt : rien, je vais donc interroger mon ventre. Si tu te trompe, tu es une ratée. Ah oui, en effet, l'enjeu existe donc. Et pourquoi je suis une ratée si je me trompe ? Mon ventre se crispe impitoyablement, et les larmes me montent aux yeux. Tu ne fais pas plaisir à papa et maman et ils ne vont plus t'aimer. Elles descendent le toboggan de mes joues, les larmes, et coulent au sol, entre le carrelage aux joints noircis et mes pieds au naturel. Le coeur répond alors : Et moi j'ai besoin d'amour et de sentir que je vaux quelque chose
Je reprends ma respiration, sèche mes larmes, et décide de réaliser une oeuvre qui me rendrait fière de moi. Je passai donc la journée à préparer le meilleur pot-au-feu de l'histoire de la cuisine, puis à le déguster le soir-même sur un canapé propre, les ongles vernis sr un carrelage éclatant.

vendredi 3 avril 2020

L'autre rivage

Anselme rêvait de ces vacances depuis plus de douze ans. A bord du Fast Cruiser, un voilier conséquent qui comptaient une trentaine de passagers à son bord, il contemplait l'espace infini qui le séparait de la terre ferme. 
Son veuvage l'avait laissé exsangue, et son désir de croisière avait été comme un phare dans la nuit. Il est tout-de-même incroyable de remplacer une épouse par un bateau, se disait-il, un peu honteux. Il ne comprenait pas lui-même, alors qu défilait devant lui une perpétuelle vague bleutée. 
Les souvenirs lui revenaient, dans une étrange dyschronie, le lit médicalisé juste déballé cotoyait la naissance de leur fils, leur voyage de noce  dansait avec l'annonce tranchante d'un diagnostic sans espoir, et ce cercueil si étroit tremblait de leurs disputes légendaires. Le tri se faisait lentement, dans son coeur blessé. 
Douze ans déjà, il ne comptait ni ne contemplait plus ses rides, qui se relevaient quand il la faisait rire de l'une de ses blagues douteuse qu'elle était seule à apprécier. Il ne voyait plus sa garde-robe évoluer au fil des saisons, des grossesses, des gains ou pertes de poids drastiques. Il ne s'agaçait plus de ses cheveux qui colonisaient gaillardement toute la maison.
Douze ans. Il lui avait fallu tout ce temps pour s'octroyer la permission de ce rêve, un voyage à bord d'un voilier. L'enfant qu'il avait été se réjouissait, et ses pensées s'égaraient parfois à s'imaginer en un lycéen chic du célèbre Deux ans de vacances, de Jules Verne. En quête d'aventures, il se voyait attaqué par des pirates, puis rejoindre leurs rangs, ou galérien affranchi, ou encore viking conquérant. Il tutoyait Christophe Colomb et découvrait un autre continent.
Une cloche le ramena à la réalité. C'était l'heure du dîner. Au menu, oeufs mimosa, lotte au curry et tarte aux poires. Il savoura ce dîner tranquillement, dégustant chaque bouchée. Il n'était as pressé, il n'avait nulle part où aller, aucun horaire à tenir, et personne ne l'attendait. Il ne devaient accoster sur une île du Dodécanèse que trois jours plus tard. Son repas longuement mastiqué, Anselme retourna sur le pont pour machouiller sa purée de rêves aux souvenirs. le goût en était relativement douteux, vous savez, un peu comme des huîtres au chocolat. 
Il passa ainsi douze jours à digérer un passé disparu et un futur impossible. et puis le treizième jour, il pris conscience qu'il existait maintenant, lui, Anselme Darbout, soixante-sept ans, veuf, retraité, et libre de son temps. Il se rendit compte qu'il réalisait son rêve de croisière, là, maintenant, que la mer était d'un bleu céruléen à ne pas en croire ses yeux, qu'une douce brise lui caressait le visage. Il leva ses yeux noyés d'émotion vers ce ciel pur qui s'offrait à lui.
Il sentit alors la Vie circuler en lui, et quand son regard revint au bateau, une voix le fit sursauter :
"Vous accepterez bien un café avec moi, aujourd'hui ?". Comment avait-il pu ne pas voir cet ange aux cheveux gris et à la robe beige qui lui souriait de la sorte ? Anselme sourit, et son coeur aussi.