
Aujourd'hui il fait un temps à ne pas mettre un parapluie dehors. Un léger vent pousse doucement les gouttes d'eau vers la fenêtre et je contemple mon thé fumant avec une acuité peu ordinaire. Je n'avais jamais fait attention à cette couleur dorée si caractéristique. Les volutes blanchâtres qui s'en dégagent forment une danse qui obéit à des lois invisibles dictées par les déplacements d'air. Il me vient une question : quel chemin amène un mouvement physique à déplacer l'air de mon thé, est-ce cela que l'on appelle l'effet papillon ? Peut-être que l'éternuement d'un chien en Alaska a provoqué un ensemble de phénomènes qui trouve pour achèvement cette forme si particulière, là, au-dessus de ma tasse.
Cette réflexion en amène une autre plus large : quel est mon effet sur le monde ? Si une action aussi automatique que bouger ou respirer peut aboutir à un effet visible, qu'en est-il des gestes anodins, mieux, des mots que je prononce, que j'écris ? Vont-ils eux aussi provoquer un mouvement ?
L'Histoire nous a prouvé à maintes reprise que c'est le cas depuis "I have a dream", jusqu'à "Imagine", en passant par "Veni, vidi, vici", certaines paroles ont eu des impacts mémorables, et ont influencé des peuples entiers.
Et mon petit propos à moi ? Mon petit "Bonjour Nadine, tu as l'air en forme aujourd'hui.", ou mon "Sortir avec toi, tu plaisantes ?". Auraient-ils des conséquences comparables ? Serait-ce un mouvement invisible qui produit un effet visible ?
Je suis un être humain normal, français, de classe moyenne, d'intelligence moyenne, de confiance en soi moyenne. Mais j'ai souvenir de ces phrases, simples et redoutablement impactantes, je me souviens à mes sept ans d'un "Que tu es maladroite" qui crée une tension dans mon ventre à chaque fois que je tente un travail un peu minutieux.
Je me souviens de ce surnom : "la poète de la classe", quand je faisais des rimes en [é] sur quelques lignes en primaire et qui aujourd'hui m'autorise à écrire.
Je me souviens des "je t'aime" qui m'ont inondée de joie, et de ceux qui m'ont fait me sentir un objet utilisable.
Je me souviens aussi des mots prononcés sans sagesse, que, pour mon plus grand malheur et celui de mon interlocuteur, ont créé une déchirure terrible. Des "tu devrais", des "tu es trop", des "moi par exemple", des "Tu n'es pas .." autant de coups de poignard. Cet adage a raison, les blessures des mots ne guérissent jamais.
Que deviennent ces impacts ? Ils se transmettent tous, Nadine a eu le sourire qu'elle a transmis à sa voisine dix minutes plus tard, celui qui "aurait dû", "était trop" ou "pas assez", s'est agacé sur ses enfants qui étaient trop remuants, et son conjoint pas assez tendre.
Les mots sont comme des caresses à celui qui les reçoit, ou comme des coups, et c'est un pouvoir extraordinaire qui nous est donné que de pouvoir les employer. Il semblerait même que ce soit la différence entre les animaux et nous. Mais quel défi, mes Amis, quel défi de porter une telle responsabilité. Alors épurons nos pensées, épurons nos propos, et peu à peu, répandons telle un battement d'aile de papillon, un peu d'Amour et de beauté à travers nos lèvres.
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