
La journée commençait comme chaque jour par l'établissement de mon programme : je me demandais donc si j'allais commencer la journée par me colorer les ongles en rose indien ou éclaircir la couleur des joints de carrelage à grand coup de Saint-Marc au pin des Landes (voyez-vous, en tant que landaise, je promeus, et non pro-meuh, quoique blonde d'Aquitaine les pro-duits locaux, et non locos, ce qui signifie fous en Espagne, à moins d'une heure de chez moi), j'étais, disé-je, en train de réfléchir à l'efficacité de ma journée quand il m'arriva une chose extraordinaire.
Mon canapé me passa un savon. Non pas un savon ayant pour objectif d'éradiquer un coronavirus en temps de confinement, non non, ce genre de savon qui consiste en un nettoyage approfondi du cerveau, ou plutôt de son contenu aux bienfaits incertains.
"Ah non, ça ne va pas recommencer !" Hein ? Qui parle ? Osez comprendre, mes Chers Volusiens, que vivant seule et ayant un monde imaginaire relativement bien clivé du monde réel, je n'avais a priori aucune raison valable de converser chez moi sans outil multimédia ni schizophrénie avérée.
"Ton histoire d'hésitation, qui te mène jusqu'à la fin de la journée, pour décider après le dîner que finalement, tu aurais aimé finir de tricoter le pull de ta fille, tu vas pas recommencer, parce que là, ce n'est plus vivable !". Quelque peu interloquée par ce propos autoritaire, je finis par viser mon canapé d'angle, et le vois m'observer de ses coussins à moitié avachis (il doit être simili blond d'Aquitaine, lui aussi).
-"C'est toi qui me parles, canapé ?
-Oui, et aujourd'hui, tu te débrouilles pour mener une journée constructive dès dix heures du matin. Décision- mise en action- réalisation-satisfaction."
Je le trouvai un peu gonflé, ce canapé à moitié dégonflé, il me sommait de prendre une décision, alors que lui-même n'avais jamais pu se décider à une identité de canapé ou de lit à sieste, de salle à manger ou de conférence, de blanc ou gris, de fixe ou mobilier. Je lui fis donc part de ma réflexion avec force argument et sagacité :
"Toi-même, hé, c'est celui qui dit qui est". Par un soupir audible depuis l"espace, il consentit cependant à m'expliquer les faits :
"Je n'en peux plus de te voir passer tes journées à les perdre, à hésiter, à tergiverser, tu bascules d'une idée à l'autre et au final, ta frustration n'a d'égal que ton désarroi, ton estime de toi est au plancher, et ça empire de jour en jour. décide dès le matin et tiens-toi à ton idée. Au moins aujourd'hui, non d'une table basse.
Je réfléchis à ce que ce meuble m'avait asséné. I est toujours très pénible de s'entendre dire une vérité peu reluisante. Mais l'entendre d'une pièce de mobilier qui l'est encore moins, c'est un peu fort de café ! Donc je me préparai un thé, remède à tous les problèmes de l'univers ou peu s'en faut, et me concentrai sur la question.
Bon, je n'aime pas beaucoup me tromper dans mes décisions. Supposons que je décide de me tartiner les orteils de rose indien, et toc ! je me rends compte que j'aurais mieux fait de détartiner les joints. Il ne vaut donc mieux pas que je m'occupe de mes pieds. Mais si je nettoie les joints, et que je vois que ce n'était pas le bon moment, bing, je me retrouve à faire ce qu'il ne fallait pas.
Observatrice de mes pensées (faut dire qu'être observée par un canapé, ça vexe, si, ça vexe). Je prends lentement conscience que le choix dans cette situation n'a absolument aucune importance. il n'y a aucun enjeu. C'est intrigant, me dis-je donc en moi-même. Et telle Fantômette dans ma bibliothèque rose d'antan (j'ai des Lettres, chers Volusiens, j'ai des Lettres), je menai une enquête exhaustive :
Bon, deux choix aujourd'hui, et les eux me semblent bons et mauvais dans le même temps. Je crois que c'est par peur de me tromper. Et qu'est-ce qui se passe si je me trompe ? La tête me rassure aussitôt : rien, je vais donc interroger mon ventre. Si tu te trompe, tu es une ratée. Ah oui, en effet, l'enjeu existe donc. Et pourquoi je suis une ratée si je me trompe ? Mon ventre se crispe impitoyablement, et les larmes me montent aux yeux. Tu ne fais pas plaisir à papa et maman et ils ne vont plus t'aimer. Elles descendent le toboggan de mes joues, les larmes, et coulent au sol, entre le carrelage aux joints noircis et mes pieds au naturel. Le coeur répond alors : Et moi j'ai besoin d'amour et de sentir que je vaux quelque chose.
Je reprends ma respiration, sèche mes larmes, et décide de réaliser une oeuvre qui me rendrait fière de moi. Je passai donc la journée à préparer le meilleur pot-au-feu de l'histoire de la cuisine, puis à le déguster le soir-même sur un canapé propre, les ongles vernis sr un carrelage éclatant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire