Nouvelles

jeudi 1 septembre 2016

Peine de coeur

Elle était allongée là, serrée contre lui, et ne savait pas bien ce qu'elle ressentait.
Leur histoire s'était arrêtée sans qu'elle comprenne bien pourquoi, elle s'était faite une raison : "Il ne veut plus être avec moi, c'est ainsi." Des torrents de larmes avaient coulé de ses yeux pendant des semaines, et le vase de ses regrets semblait ne pas avoir de fond. Mais "c'était ainsi".
Comment se retrouvait-elle là, blottie contre son corps à la douceur envoûtante, à la puissance envoûtante, à l'odeur envoûtante ? Un enchaînement de désirs refoulés, d'actes manqués plutôt réussis et d'échanges de messages plus ou moins ambigus les avaient rapprochés.
Blottie contre son amour, elle avait envie de pleurer, de lui demander "Que veux-tu vraiment, que ressens-tu, que suis-je pour toi ?" Elle voulait hurler aussi, lui crier combien elle avait eu mal, à quel point sa décision avait déchiré tout son être. Mais la prudence lui recommandait de garder le silence. Il y avait une chose bien pire pour elle que cette cruelle incertitude, cette relation mal définie, c'était de dévoiler cet attachement si profond.
Il ne veut plus de moi dans sa vie, c'est ainsi. Et contre lui, ses larmes salées retournaient dans l'océan de son intériorité. Elle sourit, partit d'un ton léger sur une conversation anodine, tentant sans grand effet de gommer de sa conscience une gorge dont l'étranglement s'amplifiait de minute en minute. Son corps hurlait de laisser sortir un tel vacarme silencieux, mais la peur de voir s'envoler cet oiseau farouche qu'était cet intant de tendresse baillonnait ce besoin. Elle avait tellement besoin de ce qu'il lui offrait en ce moment. Elle vendait son âme au diable pour un peu d'Amour, de tendresse et de partage. Et son ange lui murmurait "Est-ce vraiment cela que tu appelles le partage ?". Et son démon lui répondait " Tu ne mérites pas plus".
Elle était aux aguets, comme seule une femme amoureuse peut l'être, de la moindre intonation, du moindre mot qui pouvait donner une indication sur ce qu'il ressentait. Lui demander était inenvisageable, elle n'était pas assez forte pour affronter un propos direct sur la question. Mais elle savait aussi que cette enquête était brouillée par le filtre de ses peurs, de ses désirs.
Elle avait mal à en crever.
Il partit.
Ses larmes coulèrent.
Elle ne savait pas qu'elle l'aimait encore autant.
Et son ange murmura : "Ne le revois plus, il ne veut plus de toi, c'est ainsi."
Et son démon ne dit rien, il savait déjà qu'elle cèderait encore.

Faire son deuil

Il est des moments cruels dans la vie, indispensables et douloureux. Il s'agit de faire de deuil.
D'un proche décédé, d'une amitié qui se termine, d'une histoire d'amour qui tourne court. Certains ont cette chance de pouvoir tourner la tête dans une autre direction en un instant. D'autres ont le coeur accroché solidement à ce qui s'en va, et la déchirure provoquée par cette séparation est telle qu'ils ont du mal à couper rapidement ce lien qui leur était si précieux.

Les premiers ont pour les aider la colère, le rejet, bref : la haine. Ils se mettent à détester ce qu'ils doivent laisser partir. Efficace, je dirais même radical. Ou du moins ç'en a l'apparence. Comment réagissent-ils par la suite ? Est-ce qu'ils gardent leur colère toute la vie ? Que ressentent-ils quand elle disparaît ? Un grand vide, certainement, et probablement du désespoir. Avec le temps j'ai appris que la colère tenait chaud telle une couverture en laine dans une après-midi de novembre, elle nous occupe, nous remplit. Elle est bien préférable à ce grand trou froid que nous donne la tristesse. C'est du moins ce que l'on aime à penser. Mais est-ce que par hasard elle ne nous garderait pas au chaud en automne, sans jamais connaître l'hiver, certes, mais en renonçant au printemps de l'âme ? Je ne le sais, n'étant de ce tempérament.


Les seconds préfèrent l'anesthésie : Ils affirment (très) haut et (très) fort que tout va bien, que c'était la meilleure chose qui pouvait arriver, la personne décédée ne souffre plus, cette amie ne nous convenait plus, et l'histoire d'amour n'avait plus d'avenir. La raison vient donc étouffer le chagrin, et l'enfouir au plus profond du corps, là où personne n'ira le chercher. C'est l'été, et l'on décide que le printemps arrive en suivant. Mais l'anesthésie disparaît toujours au bout d'un moment, et le coeur pousse vers le ventre, puis la gorge des sanglots trop longtemps retenus. Le coeur s'ouvre en deux et laisse se déverser le sang glacé qu'il contenait. Et l'on se dit : J'ai fait mon deuil, cette fois c'est bon, je peux repartir sur une autre base. Et puis quelques temps plus tard le coeur s'ouvre à nouveau pour laisser s'échapper la fontaine de sanglots, et encore, et encore. Quand tarira-t-elle, nul ne le sait. Et puis un jour on accepte que finalement on n'est pas si fort que ça, un deuil ne se décide pas, il se vit.

Et quand le coeur s'est suffisamment ouvert pour laisser s'échapper jusqu'à la dernière goutte de chagrin, la profondeur de son espace peut contenir le monde entier.

mercredi 31 août 2016

Devis

Mes Adorés Volusiens, supposons que vous ayez à réaliser des travaux dans votre logement. Comme vous êtes doté de deux mains gauches ou d'un sens aigu du "Ce sera mieux fait par un professionnel", vous prenez donc la décision d'appeler des artisans pour faire effectuer des devis, et en suivant des travaux. Maçonnerie, plomberie, électricité etc. Aujourd'hui nous allons mener l'étude de la première étape : le devis.
Où trouver le numéro de téléphone. Vous pouvez voir internet, des forums, des amis, et souvent vous vous retrouvez avec le beau-frère du cousin germain du facteur de votre ancienne belle-soeur parce qu'elle le connaît, c'est un ami. Vous appelez, et avec un peu de chance, au bout de trois amis différents de beau-frères du cousin germain du facteur de votre ancienne belle-soeur, l'un d'eux daigne vous rappeler, et vous prenez rendez-vous. Première liesse, vous chantonnez donc dans votre logement à refaire/améliorer/terminer "j'ai quelqu'un qui vient-eu, j'ai quelqu'un qui vient-eu... !" et ce jusqu'à quatre heures du matin, n'ayons pas peur de célébrer !
Il passera entre 9h et le 8 août, et un jour, après votre vingt septième café, ne voilà-t-il pas que le carillon de votre ruine, ou peu s'en faut, retentit. L'homme entre. Sûr de lui, il a déjà repéré que vous êtes de sexe féminin, donc pigeonnable, vivant seule, il pourra rajouter des petits pois pour vous dévorer sur le devis, et surtout a priori, pour lui, vous êtes beaucoup plus calée en vernis à ongles qu'en vis à placo.
Son rituel, très certainement enseigné dans les écoles d'artisans et de kinésithérapie, l'oblige à critiquer de manière méthodique TOUS les travaux effectués précédemment par un incapable notoire qui a fait n'importe quoi et pas dans les normes. "Faudrait tout reprendre". Et bing, Vas-y mon gars, multiplie le devis aux petits pois. En attendant, la faible victime de check-up pro pâlit devant les dégâts. Mince, se dit-elle, j'ai un cancer de l'électricité. L'artisan, bon prince, la rassure "Bon, y'a du boulot, mais ça devrait être possible". Autre version : "On peut tout faire, après c'est une question de prix". Puis l'homme s'en va, nous promettant un devis "pas trop cher" dans la semaine.
Et, ô surprise, parfois, dans une proportion de 20 %, le devis est effectivement envoyé dans la semaine.
Comme le devis est illisible en raison de descriptions plus qu'énigmatiques, vous vous souvenez soudainement que vous avez un ami hyper-calé en travaux et devis. Le plus pénible, c'est de supporter son interminable fou-rire en voyant le papier qui vous a été transmis par quelqu'un qui, à la manière d'Arnold Schwarzenegger dans Last action heroe vous a assuré "je suis un professionnel". Ce n'est qu'au bout d'une bonne demi-heure à se tenir les côtes qu'il vous donne les références d'un gars un peu mieux câblé que les autres qui vous produit un devis clair, élevé mais juste, au moins lui, il ne vous prend pas pour un volatile.


A bientôt, mes Volusiens chéris, pour la suite des travaux.

lundi 22 août 2016

C'est pas tes oignons

Chers Volusiens, chères Volusiennes,
Comme vous le savez, je ne suis pas en possession de cette machine odieuse mangeuse de cerveau qui dicte sa loi dans les foyers. Je n'écoute pas la radio et ne lis pas, j'ai horreur de lire, c'est plein de mots. Ma connaissance de l'Univers est donc essentiellement due au papotage du bar du coin, aux préjugés et différents voyages astraux et méditations surtout après le déjeuner quand une douce torpeur m'envahit.

Bon, cette semaine, je n'ai quand même pas réussi à éviter les conversations sur le burkini, les jeux olympiques et la belle-soeur du tenancier de l'auberge pourvoyeuse de pina colada que je fréquente usuellement. L'auberge, pas la belle-soeur.

Voyez-vous, mon dealer de boisson m'expliquait un peu que l'intrusion dans sa vie familiale de la belle-soeur produisait en lui un effet laxatif digne des meilleurs sketches de Coluche, car cette douce dame lui expliquait à quel point il s'y prenait mal pour vivre. Elle a donc eu la délicate attention de lui montrer ô combien son fromage se porterait mieux hors du frigo, qu'il fallait qu'il arrête de manger du pain, "c'est pas bon pour c'que t'as", et que s'il continuer à se comporter comme un monstre avec ses enfants, c'est sûr qu'il irait en enfer (ce qui était vrai, me disait-il, il y était depuis la venue de cette dame). Nous ne parlerons pas de la "gestion catastrophique de ton établissement, tu devrais servir du jus de pétale de pâquerette, ça, c'est l'avenir, et il faut investir davantage dans la déco". En même temps, j'étais un peu d'accord avec sa belle soeur, parce que ses murs ils n'arrêtaient pas de tourner, surtout après trois pinas coladas, et c'était assez moche.

Après, mon compagnon m'expliqua qu'on avait gagné des tas de médailles, qu'on était les meilleurs dans un tas de discipline "Hein Simone ?" et qu'on avait bien bossé. Moi je me suis dit que le on était peut être un peu exagéré parce que le Roger, je ne l'avais pas trop vu aux entraînements olympiques, quand même, et je me suis demandé fortuitement à un moment d'oubli de moi-même si des fois on ne se rendait pas responsable de victoires qui ne nous appartenaient, au final, pas du tout.

Après on a parlé de burkini, et je me suis dit que peut-être que ce serait une bonne chose de ficher la paix à ces femmes, que finalement, si ça les dérangeait tant que ça de porter un burkini, peut-être bien qu'elle seraient capable de nous le faire savoir, comme elles sont capable de faire savoir aux empêcheurs de s'habiller en rond que "laissez-nous tranquilles". Au final, dans cette histoire, il ya beaucoup de belles-soeurs de Roger.

Bon, je suis donc rentrée chez moi avec l'idée que si les gens s'occupaient un peu plus de ce qui les concerne, ça créerait sûrement un sacré chaos sur la planète.

mercredi 27 avril 2016

concours

En compétition dans un concours de nouvelles, que ceux qui ont envie de me soutenir ne se privent pas, il auront eu le loisir de révéler le futur Nobel de littérature, en toute humilité, bien sûr !
http://short-edition.com/oeuvre/tres-tres-court/j-ai-laisse-ma-fille

lundi 4 avril 2016

J'ai eu chaud !

Chères Volusiens, chères Volusiennes,
Me voilà absente depuis trop longtemps de ce blog, et je vous en présente mes excuses, vénérés lecteurs. Il faut dire que j'avais de bonnes raisons : j'ai subi une abduction extraterrestre. Ils ont amené mon corps immobilisé dans un vaisseau qui ne ressemblaient à rien. Non pas dans le style " coiffure ratée un lendemain de cuite", mais plutôt, comment dire, c'était euh, assez ... mais pas ... ou plutôt ... bref, rien de descriptible.

Je vois d'ici les sourires goguenards des critiques littéraires qui croient, les malheureux, que je tente tout simplement d'éviter fort maladroitement un passage purement descriptif. A ces pauvres âmes, je répondrait que d'une je ne me justifierai pas, et que de deux, quand ils se seront farcis quelques semaines avec des ET, on pourra en reparler, non mais.

Bref, disais-je, kidnappée dans mon sommeil alors que je parvenais quasiment à reprouver la théorie de la relativité, ou à prouver la relativité des théories, je ne sais plus, je me retrouvai dans un caisson, observée par des visages triangulaires aux yeux surdimensionnés et aux lèvres inexistantes.
Ah donc, me dis-je poussée par une compréhension aussi brutale que signifiante, les ET sont danc des personnages de manga !

Je regrettai donc amèrement de n'avoir pas plus attentivement regardé les Olive et Tom de mon enfance, qui contenaient en un seul épisode, et même plusieurs, le résoltion des théories de l'apesanteur, tant il est vrai que leurs sauts en détente sèche pouvaient durer quatre épisodes de vingt minutes et leurs traversées de terrain plusieurs dizaines de kilomètres. Et un peuple qui maîtrise aussi bien l'espace et le temps, on le respecte, bon sang !

Bref, je disais donc que je ne faisais pas ma mariole, toute encaissonnée que j'étais; Et par devers moi, je me lamentoie en proie aux plus violentes angoisses et mes Volusiens et Volusiennes qui attendent après moi pour leurs petits billets de concentré de talentueuse bonne humeur ! Que vont-ils devenir ? Bref, le coeur en larmes de vous avoir abandonné, je décidai de m'extraire au plus vite de cette délicate situation.

Je rappelle donc que j'étais figée dans un caisson fort confortable, ma foi, délicatement capitonné, qui me maintenait le corps dans une position telle que pas un seul de mes muscles n'était en tension, sauf peut-être le muscle de la réflexion surprise. Il était de plus maintenu à une température idéale, et je ne ressentais ni faim, ni soif, ni peur. J'étais donc, disais-je, dans une détente parfaite et paisible quand je ressentis le besoin urgent de ne pas vous adandonner plus longtemps. N'écoutant que mon courage, je pris la décision de réfléchir plus avant à la situation.

Diable, me voilà en fort mauvaise posture, me dis-je tout en m'inquiétant pour vous. Subitement, je vis une tête de manga m'apparaître devant les yeux. Cet être était en train de positionner une paille sur ma bouche qui commençait à avoir envie de crier, et j'eus rapidement dans le palais un liquide très certainement empoisonné, mais qui avait curieusement le goût de la tarte aux fraises de ma tante Jacqueline. Tiens donc, me susurrai-je entre deux glouglous, ma tante Jacqueline était donc une mangalienne ? Au final ça n'a rien de surprenant, je n'ai jamais compris son goût immodéré pour la dentelle anglaise et pour son chien informe au nom qui lui convenait si bien : Spragfül.

Je me débattis violemment, mais tout de même avec prudence car je ne tenais pas à attirer leur attention en me renversant du jus de Tantine sur le menton. Il fallait agir au plus vite avant que le poisson ne fasse effet. Trop tard, je me sentis irrémédiablement envahie d'une douce torpeur qui allait mettre mon projet à mal.

Quelques heures plus tard, je me réveillai dans mon lit. Il s'était écoulé plusieurs semaines.



dimanche 27 mars 2016

Rebecca

C'était un soir d'été, les champs à perte de vue se coloraient de teintes rougeâtres, et Rebecca contemplait le paysage. Elle aimait ce moment, celui-là même où tous les éléments semblent s'accorder pour faire la paix : pas de vent trop fort, juste une brise légère et rafraîchissante, la chaleur faisait une pause, ainsi que les animaux, pour quelques instants silencieux, le jour s'apaisait, la nuit s'invitait tranquillement dans un tableau où seules les couleurs paraissaient être prises de folie.
Son corps ne lui envoyait plus d'informations violentes, il était caressé par cette douceur.
Elle aimait ce moment. Abandonnée à elle-même, elle pouvait enfin, loin du vacarme de ses sens, ou du activités de la journée, observer l'infinité de son être. Elle ôta ses sandales, et foula ce sol un peu trop sec, encore délicieusement chaud. En un instant, elle ne se différencia plus du sol. La limite ténue et arbitraire de son corps se fondit jusqu'à la terre qui la nourrissait. Consciente de ses poumons, elle ne sut pas très bien à quel moment ils firent corps avec l'air qu'elle respirait. Sa peau accepta instantanément les dernières caresses du soleil jusqu'à se prolonger jusqu'au soleil. Elle ferma les yeux et se ravit, ou plutôt fut ravie par l'infinité de son être, elle contenait en elle la terre, le ciel, le cosmos, et son coeur qui battait, qui battait, qui battait.
Rebecca contempla le battement de son coeur,
Rebecca contempla le battement de la Vie en elle.
Rebecca était la Vie.

Rebecca était.